Deuxième commande du festival "Villandraut-Sous les Projecteurs", après Maracas Cosmiques, ce spectacle basé sur le texte de Jorge Manrique, poète espagnol du quinzième siècle, fut une collaboration avec la danseuse et chorégraphe d'origine espagnole Marie-Jo Huchet. Elle dansa sur le rythme du poème que je jouais en espagnol et français. Nous mélangions danse et jeu dans une occupation de l'espace du lavoir rempli d'eau. La musique était produite par le texte et le bruit de nos pas dans l'eau. Ce texte magnifique est un hommage au père et au Père. Il s'adresse aussi bien au père de Manrique qui venait de mourir qu'à la figure mythique du Père.
Il est d'une beauté peu des fois égalée dans la langue espagnole. Le rythme particulier de ce poème vient aussi de l'utilisation de la strophe dite de "pié quebrado" (pied cassé) ou "manriqueña" qui présente une structure 8a - 8b - 4 c - 8a - 8b - 4c. Le poème se divise en trois parties : dans la première on développe une reflexion philosophique sur le monde, le temps, la fortune et la mort. Dans la deuxième on évoque le passé historique de l'auteur en le confrontant aux valeurs évoqués précédemment et dans la troisième on est confronté à la rencontre du père de Manrique (don Rodrigo) avec la Mort. Là on atteint ce qui s'est fait de plus beau dans la langue de Cervantès. Tout à fait digne de Euripide, Horace ou Shakespeare.
Un spectacle expérimental, une confrontation avec le souffle spirituel de cette poésie, qui est tellement émouvante et juste. Les mots avaient envie de danser. La danse avait envie de dire. L'eau a porté les coplas.
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