L'exploration des mythes dans les auteurs contemporains se poursuit dans cette deuxième mise en scène à Bordeaux. Strindberg s'approche du sublime avec cette tragédie moderne. La relation homme-femme est disséquée et poussée à l'extrême comme chez les anciens grecs. C'est une véritable pièce sur les relations sexuelles, au sens propre. Julie connaît l'ultime plaisir et l'ultime connaissance, son désir est comblé et à la fois un manque infini s'ouvre devant elle. Sa seule issue, sa délivrance, sera la mort. Non pas à cause des vieux conflits de classe, de la peur de son image souillée, mais par un désir de mort inscrit dans sa peau. C'est un des aspects les plus contemporains de cette pièce, un des sommets du théâtre du XX° siècle (bien qu'écrite fin XIX°) Je me suis employé à radicaliser les conflits et à humaniser les personnages. J'ai donné plus d'importance au personnage de Christine (hypothèse de travail : elle est enceinte de Jean, qui ne le sait pas encore). Julie était en déséquilibre, hors du centre, tiraillée par les figures de sa mère morte, adultère, qui haît les hommes et qui a ruiné le Comte avant de se suicider, en provocant un incendie le jour même de l'échéance de l'assurence, après avoir retenu le paiement, et son père, un faible qui s'est repris, mais que sa mère accusait, indirectement d'impuissance. Quant il a repris de la puissance, elle s'est tuée...
Valérie Ancel jouait Christine et Hubert Chaperon Jean, comme un couple de valets qui avaient internalisé la noblesse, qui avaient les bonnes manières, telles qu'ils les imaginaient et les idealisées. Christine obéissait, croyait à l'ordre du monde, priait et essayait, naïvement, bêtement de se rattacher à la réligion et aux valeurs les plus conservateurs de la sociéte. Jean, voulait bousculer l'ordre établi, en jouant la carte individuelle : "je n'ai pas d'ancêtre mais je peux devenir un ancêtre moi-même", "je ne suis pas comte mais j'engendrerai des petits comtes", défiant les lois de la création (de la création de la noblesse du moins...)et Maury Deschamps était une Julie qui a surpris ceux qui connaissaient bien la pièce, une aristocrate paysanne, presque vulgaire, torturée entre sa mère perverse qui s'est tuée et ce père qu'elle ne peux pas s'empêcher de mépriser, jouissant de sa souffrance, cherchant une force qui la résistera, désirant la mort. Un peu de Hamlet, où le Spectre est remplacé par la "présence" de la mère. Plus de 2200 spectateurs pour 28 représentation dans la petite salle bordelaise :"La boîte à jouer".
Ce fut l'opportunité de travailler avec un des plus grands scénographes actuels : Roberto Plate avec qui nous avons vidé le plateau de tout détail naturaliste pour aller jusqu'à l'os de la pièce, et plus encore jusqu'à sa moelle. La cuisine fut pour nous le seul espace de la maison qui porta encore les traces ignobles et honteuses de l'incendie provoqué par la mère de Julie. Dans la deuxième partie, après l'invasion de l'espace par les paysans, l'eau occupait la moitié du plateau, eau qui venait éteindre ce feu, eau qui était la trace de Monsieur le Comte. Le téléphone était symbolisé par un néon qui clignotait. Pas de chaises, pas de tables, pas de casseroles. Un dépouillement qui mettait les acteurs, donc le texte, dans le centre de cet espace pourvu de trois colonnes, avec les proportions du nombre d'or, celles du Parthénon.
Jacques Rouveyrollis un des créateurs lumières mythiques, mondialement salué, a conçu et réalisé à Bordeaux, accompagnant le travail de Roberto Platé, avec qui il réalise des conceptions d'éclairage pour le théâtre et l'opéra. Ces lumières furent simplement magiques. Subtiles et puissantes, suivant nos désirs les plus intimes. La musique fut une composition originale d'Etienne Rolin. Basée sur l'air et le feu, pour violon, saxophones, voix et échantillonneur elle nous plongeait dans un monde résolument contemporain. Nous avons des projets de mises en scène des pièces de Copi avec Roberto Plate et Jacques Rouveyrollis. " Signalons "Portrait", un beau livre sur le décorateur Roberto Plate, fidèle d'Arias depuis 1969. Outre ses principaux décors de théâtre et d'opéra, l'ouvrage reproduit son œuvre picturale, avec une préface de Marguerite Duras (éd. Plume, 176 p., 43,45 euros). " Article de Jean-Louis Perrier in Le Monde du mercredi 8 décembre 1999. Dans "Portrait" on peut voir le dessin du décor de Melle Julie qui occupe deux pages. |
Ce qui dit la presse : Critique 1 critique II
"Comme une histoire d'amour"d'Arthur Miller